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Dans sa vieille maison en pierre, le "premier Viking de Bosnie" s'exerce au lancer de haches au milieu des boucliers et des épées: Stipe Pleic est devenu "Ragnar Kavurson" après avoir beaucoup regardé la célèbre série sur les prouesses des guerriers nordiques.
Voici cinq ans, ce grand gaillard costaud et sympathique s'est mis à fabriquer des armes inspirées de celles prêtées aux pirates scandinaves qui ont lancé des raids sur une bonne partie de l'Europe entre les VIIIe et XI siècles.
"J'avais beaucoup de temps libre, parce que je vis seul ici, et alors en regardant la série j'ai aperçu la hache de Ragnar, elle m'a plu et j'ai souhaité faire la même", dit le Bosnien de 57 ans, également chauffeur dans l'administration locale.
Avec ses cheveux ramassés en tresse, sa barbe blanche fournie, sa tunique aux pièces de cuir et ses bracelets de guerrier, il a la tête de l'emploi.
Son atelier ressemble à un décor de film, avec son trône hérissé de haches aux accoudoirs recouverts de fourrures de renard.
Des boucliers rouge sang et des drapeaux suédois et norvégien complètent le tableau, aux côtés de grandes affiches de Travis Fimmel et Katheryn Winnick, les interprètes dans la série de Ragnar et de sa femme Lagertha.
- Un drakkar dans le jardin -
Dans le jardin, il y a même une réplique de drakkar, ces embarcations à fond plat capables de traverser les océans et dont il se sert parfois pour naviguer sur le Busko, le lac du coin.
"La première saison est celle que je préfère. J'ai d'abord apprécié la personnalité de Ragnar mais, pour être sincère, Lagertha me plaît aussi. Elle m'a scotché", avoue-t-il dans un sourire.
Dans ce pays des Balkans où la loyauté ethnique est considérée comme quasi vitale, ce Croate d'origine dont les ancêtres catholiques sont arrivés au XIXème siècle, prend son nouveau personnage païen très au sérieux.
Son identité s'inspire de Kavurci, ancien nom de son village des alentours de Tomislavgrad du temps de l'Empire ottoman, un dérivé du turc pour désigner les mécréants.
Ragnar Kavurson a fabriqué des centaines de haches, des lances, des arcs, des boucliers, des chaises, enfin, tout ce qu'il voit dans la série.
Son travail est méticuleux et il lui faut parfois des semaines pour fabriquer des haches ornées de motifs liés aux mythologies nordiques et slaves.
La plupart des haches offertes à ses amis ou vendues entre 25 et 300 euros sont frappées du "F" runique, clin d'oeil à son surnom de jeunesse, Flick.
- "Un morceau de moi" -
"J'ai mis un morceau de moi dans chacune de ces haches", dit-il.
Son atelier est équipé d'épaisses planches en bois où il fiche ses haches, tous les jours, seul ou en compagnie d'amis.
"Ce sport est très populaire aux Etats-Unis et au Canada. C'est aussi une discipline qui est recommandée par des psychiatres. C'est très relaxant", assure-il.
Et il n'est pas à court d'idées: il veut organiser le championnat bosnien du lancer de haches, construire un village viking pour des touristes et aller se comparer à ses pairs du monde entier qui se rassemblent chaque année à Wolin, en Pologne, pour un festival de Vikings.
Que lui inspire précisément ces peuples du Nord dont on sait peu? "La vie en harmonie avec la nature, la liberté", répond-il. "Avec cette histoire, ma vie a basculé à 180 degrés. Mes objectifs sont différents".
Il ne s'est jamais senti chez lui à Berlin. "Je gagnais en Allemagne plus d'argent par jour que ce que je gagne maintenant par mois. Mais je n'étais pas heureux. Maintenant je suis heureux".
O.Pereira--NZN