AEX
1.8400
Les bébés peuvent distinguer, dès quatre mois, les choses animées et inanimées, un véritable "détecteur de vie" qui domine lorsqu'ils ont 10 mois, avant de développer plus finement leurs capacités à catégoriser leur environnement, selon une étude de chercheurs français.
Les chercheurs supposent que cette transition sous-tend le lien entre vision et réflexion dans le cerveau en plein développement des jeunes humains, indique l'étude publiée le mois dernier dans les Proceedings de l'académie américaine des sciences (PNAS).
Dans le cerveau d'un adulte, le cortex visuel --qui traite les signaux reçus avec la vue-- rassemble des zones stimulées par cette catégorisation entre objets animés ou inertes, humains et animaux, petits ou gros objets, naturels ou artificiels. Et même des "points chauds", particulièrement excités par la vision d'un visage, d'un corps ou d'un décor.
Cette catégorisation (observée chez l'adulte grâce à des techniques d'imagerie par IRM fonctionnelles) est un des fondements de la pensée et du raisonnement chez l'Homme. Un mécanisme prégnant chez les primates mais aussi chez les souris, qui savent distinguer le vivant de l'inerte dès le plus jeune âge.
L'équipe de chercheurs de l'Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod, à l'Université lyonnaise Claude Bernard, emmenée par Céline Spriet, a cherché à déterminer comment cette catégorisation s'installe dans le cerveau humain.
Elle a observé, à la milliseconde près, le temps de regard porté par des bébés de 4, 10 et 19 mois, sur des paires d'images appartenant à huit catégories: animées, avec des visages et corps humains ou des têtes et corps d'animaux, et inanimées, avec des objets petits ou gros, naturels (comme une cerise et un arbre) et artificiels (comme une clé et une commode).
En supposant que pour deux images d'une même catégorie --un chien et un chat par exemple--, le temps de regard serait sensiblement égal. Mais pas pour deux images appartenant chacune à une catégorie différente, comme une chaise et un arbre.
- Visages et gros objets -
On sait que chez l'adulte, "si on présente un chat et un chien, les populations neuronales qui s’activent dans le cortex visuel sont différentes, mais plus similaires entre elles que celles qui s’activent si on regarde un chat et un arbre", explique à l'AFP la neuroscientifique Liuba Papeo, co-autrice de l'étude.
"On a retrouvé la même organisation dans le regard des bébés, avec un temps de regard plus similaire pour deux objets de la même catégorie, et moins similaire quand ils appartiennent à deux catégories", ajoute-t-elle.
A quatre mois, les enfants testés ne paraissent pas catégoriser les objets présentés. Mais ils préfèrent, ce qui n'est pas la même chose, regarder des visages humains et de gros objets inanimés, comme une maison.
Les chercheurs ont supposé que la capacité à distinguer le vivant de ce qui ne l'est pas était déjà présente. Les bébés "ont tendance à regarder l'image la plus grande", explique Jean-Rémy Hochmann, professeur à l'Institut Marc Jeannerod et co-auteur. Or quand les deux objets font la même taille sur les images --mais pas dans la réalité--, "on voit émerger la catégorisation entre animé et non animé", explique-t-il à l'AFP.
A dix mois, le bébé "a compris que ce n'est pas la taille de l'objet qui compte mais son identité", ajoute Liuba Papeo. Cette capacité à distinguer le vivant de ce qui ne l'est pas l'emporte alors sur toute autre.
Elle va servir de base à une catégorisation plus fine, s'installant jusqu'à 19 mois. L'enfant va alors classer ce qu'il voit entre humain et non-humain, corps humains ou d'animaux, visages et têtes animales. Cette catégorisation va solliciter une zone toujours plus large du cortex visuel. Et bénéficier, dans la deuxième année de l'enfance, du développement du langage.
"A partir du moment où l'on nomme différents objets de la même façon, cela va aider le bébé à former une catégorie visuelle", relève Jean-Rémy Hochmann. A l'inverse, en nommant différemment des objets très proches, on va l'amener à chercher les différences entre eux.
pcl/fmp/ide
P.Gashi--NZN