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Jusqu'à trois de prison ferme et des amendes allant jusqu'à 500.000 euros: ce sont les peines requises jeudi par le parquet de Nanterre contre sept prévenus jugés pour tentative d'escroquerie en bande organisée et corruption d'arbitres internationaux au préjudice de TotalEnergies.
Depuis le 1er décembre, sept mis en cause, dont des avocats, un magistrat honoraire et un administrateur judiciaire, comparaissent devant le tribunal correctionnel pour leur implication supposée dans la mise en place d’un tribunal arbitral frauduleux visant à obtenir plus de 22 milliards de dollars (environ 19 mds d'euros) auprès du géant énergétique.
Tous les prévenus contestent les faits qui leur sont reprochés.
L'affaire a pour point de départ un contrat de prospection et d'exploration pétrolière signé en 1992 entre une filiale de TotalEnergies, Elf Neftegaz (aujourd'hui liquidée), les régions russes de Saratov et de Volgograd ainsi que la société de droit russe Interneft.
Soumis à des conditions suspensives, ce contrat, dont la caducité a été confirmée par plusieurs décisions de justice, n'est jamais entré en vigueur.
C'est pourtant sur cette base inexécutée qu'a été constitué à l'été 2009 le tribunal arbitral contesté avec pour objectif, selon l'accusation et la partie civile, d'extorquer une somme colossale à la multinationale, accusée à tort de ne pas avoir honoré ses engagements.
S’estimant victime d’une tentative d'escroquerie, TotalEnergies a porté plainte en mai 2011.
- "Machination" -
Dans son réquisitoire, la procureure Nathalie Foy a dénoncé "un plan d'attaque frontal", "une machination judiciaire et arbitrale" visant à "prendre dans ses filets l'entreprise avec la plus grande capitalisation boursière" de France au moment des faits.
Elle a réclamé une peine cinq ans de prison, dont trois ans ferme, à l'encontre de Jean-Pierre Mattei, ancien président du tribunal de commerce de Paris, qui avait été désigné comme représentant d'Elf Neftegaz pour l'arbitrage.
Le parquet l'a décrit comme l'un des piliers de la tentative d'escroquerie, le qualifiant de "tête de pont avancée" des manoeuvres d'André Guelfi.
L'ombre de ce sulfureux homme d'affaires, ex-dirigeant de la marque Le Coq Sportif décédé en 2016 à 97 ans, a plané tout au long du procès.
Pour le parquet, cet ancien intermédiaire du groupe Elf (acquis plus tard par l'actuel TotalEnergies) dans les pays de l'ex-URSS dans les années 1990 a échafaudé l'idée du tribunal arbitral en vue de mener une vendetta contre le groupe.
Condamné à de la prison ferme dans le cadre de l'affaire Elf, un gigantesque scandale de détournement de fonds, M. Guelfi aurait en effet développé une rancoeur tenace contre la direction de TotalEnergies, considérant qu'elle l'avait abandonné.
"Il a résolu, après plusieurs échecs judiciaires, de poursuivre l'entreprise pour lui soutirer de l'argent par le biais d'un litige inventé en se camouflant derrière des sociétés-écrans et des hommes et des femmes de paille", a asséné Nathalie Foy.
Pour réussir "le plus gros et gigantesque hold-up de sa vie", il aurait, selon le parquet, recruté des "mercenaires" ayant pour la plupart une fine connaissance des mécanismes judiciaires.
Deux ans de prison ferme ont été requis contre Laï Kamara, représentant des parties russes à l'arbitrage, et trois ans avec sursis contre le président de la formation arbitrale décriée, Andreas Reiner.
- "Coups tordus" -
Contre les conseils des parties russes Olivier Pardo et Xavier Cazottes, Mme Foy a demandé respectivement trois ans et deux ans de prison ferme.
"Ces réquisitions sont totalement déconnectées du procès qui a eu lieu", ont réagi auprès de l'AFP Mes Richard Malka et Rémi Lorrain, avocats de M. Pardo.
"Le ministère public fait comme si rien ne s'était dit durant les trois dernières semaines d'audience au cours desquelles, chaque jour, les mensonges de Total et les coups tordus de son service d'intelligence économique ont été découverts et documentés", ont-ils ajouté, déplorant des "réquisitions déconcertantes".
La procureure a réclamé deux ans de prison avec sursis contre l'administrateur ad hoc d'Elf Neftegaz Charles-Henri Carboni, qui a désigné M. Mattei comme arbitre.
Deux ans ferme ont enfin été requis contre l'avocat François Binet qui intervenait comme conseil pour le service d'intelligence économique de TotalEnergies et qui aurait joué un rôle "d'agent trouble ou d'agent double" selon le parquet.
Des amendes allant jusqu'à 500.000 euros et des demandes d'interdiction d'exercer la profession d'avocat ou de pratiquer l'arbitrage ont aussi été formulées à l'encontre de plusieurs prévenus.
Fin du procès vendredi.
A.Wyss--NZN