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Comme tous les matins, Takesure Moyo enfourche sa bicyclette et sillonne les environs de son village, près du plus grand parc national du Zimbabwe, pour aider sa communauté à mieux coexister avec les éléphants et autres prédateurs en liberté.
Équipé d'un téléphone portable, il enregistre dans une application dédiée les incursions de pachydermes près du village ou simplement les traces de leur passage, permettant aux autorités de limiter les risques d'accidents avec ces animaux, qui parfois sortent des limites du parc national de Hwange (ouest).
Âgé de 49 ans, M. Moyo fait partie d'une équipe de plusieurs personnes ayant reçu une formation dans le cadre d'une initiative du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) et de l'Autorité des parcs et de la faune du Zimbabwe (ZimParks).
"Nous avons toujours vécu avec des animaux sauvages autour de nous, mais notre réponse aux conflits entre humains et faune sauvage était souvent individuelle et sans coordination", explique-t-il. "Cette initiative a aidé la communauté à acquérir une meilleure connaissance du comportement des animaux et, au final, à minimiser les incidents."
Environ 300 personnes ont été tuées par des animaux sauvages au Zimbabwe ces cinq dernières années, selon ZimParks, sans compter les cultures endommagées et les attaques contre le cheptel.
Quelque 70% des incidents rapportés se déroulent dans les zones frontalières de parcs comme celui de Hwange, toujours selon Zimparks.
Il y a quelques années, M. Moyo a perdu six vaches dans des attaques de lions, ce qui l'a incité à rejoindre le programme de surveillance de la faune.
Ses relevés et messages d'alerte viennent compléter des données transmises par les colliers GPS dont 16 éléphants ont été équipés, permettant de suivre leurs déplacements en direct et de mieux coordonner le déploiement d'une équipe de ZimParks si nécessaire.
- Alerte en temps réel -
Le Zimbabwe abrite environ 100.000 éléphants, soit la deuxième plus grande population au monde d'éléphants de savane après celle du Botswana voisin, selon un recensement aérien conduit en 2022 par la Zone de conservation transfrontalière du Kavango-Zambèze, fruit d'un partenariat entre l'Angola, le Botswana, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe.
"Durant la saison sèche, les éléphants viennent parfois chercher de l'eau dans la retenue voisine, qui alimente nos jardins communaux", explique M. Moyo. "Et pendant la saison des récoltes, il leur arrive de venir et manger nos cultures."
L'application qu'il alimente quotidiennement lors de ses tournées à vélo - The EarthRanger - est utilisée dans 80 pays, selon son site internet, et s'avère "très efficace", souligne un responsable de la communication de Zimparks, Tamirirashe Mudzingwa.
Agissant comme un système d'alerte en temps réel, elle donne aux villageois la possibilité de se mettre à l'abri à temps et de protéger leurs troupeaux ou leurs champs.
Parmi les éléphants équipés d'un collier GPS, certains ont été secourus, soignés puis réintroduits dans leur habitat naturel par l'organisation Wild Is Life.
Devant son écran, l'un des techniciens, Simbarashe Mupanhwa, suit ainsi les déplacements de Samson, un mâle de sept ans.
"En plus d'aider à surveiller les déplacements des éléphants, l'application est également capable de suivre les rangers et les véhicules de l'organisation, ce qui permet de garantir qu'en cas d'incidents de braconnage, la réaction soit aussi rapide que possible", explique M. Mupanhwa à l'AFP.
Cette télémétrie offre des informations de première main sur l'habitat, "les schémas de déplacement et l'identification des zones fréquemment utilisées", ou encore les "les zones de dispersion", explique Philip Kuvawoga, directeur pour la conservation de l'environnement chez IFAW.
Si les deux organisations, IFAW et ZimParks, s'accordent à vouloir impliquer les communautés locales dans la préservation de la faune, elles n'ont pas la même approche concernant la gestion de la population croissante d'éléphants au Zimbabwe.
ZimParks, agence gouvernementale, plaide pour un tourisme de chasse aux trophées, à l'image de ce qui existe en Afrique du Sud voisine, tandis que IFAW veut continuer de promouvoir les safaris photo, comme au Kenya par exemple.
"Cette collaboration incarne une entente pragmatique: les efforts de conservation doivent être inclusifs, fondés sur la science et adaptables", estime Alleta Nyahuye, directrice nationale de l'IFAW, qui affiche comme idéal d'"aider les animaux et les humains à prospérer ensemble".
M. Moyo renchérit: "Il ne s'agit pas seulement de protéger les animaux. Il s'agit aussi de protéger notre mode de vie".
O.Meier--NZN