AEX
-0.2800
Députés et sénateurs ont échoué à s'entendre vendredi sur le budget de l'État, écartant la perspective d'un texte adopté avant la fin de l'année, un échec au moins provisoire pour le Premier ministre Sébastien Lecornu.
Entre le gouvernement et les socialistes d'un côté, la droite sénatoriale et les oppositions de l'autre, chacun se renvoie la balle de la responsabilité de cette impasse.
Face à ce scénario, le gouvernement avait déjà annoncé qu'il préparait une loi spéciale pour permettre le prélèvement des impôts et assurer la continuité de l'Etat, avant une reprise des débats sur le budget début 2026.
Cette procédure exceptionnelle avait déjà été activée l'an dernier après la chute du gouvernement Barnier. Le texte devrait être examiné par les deux chambres au début de la semaine prochaine.
Le Premier ministre a annoncé réunir, à partir de lundi, les principaux responsables politiques pour les "consulter sur la marche à suivre pour protéger les Français et trouver les conditions d'une solution".
L'échec de la commission mixte paritaire (CMP), où sept députés et sept sénateurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord, marque la fin de deux mois de discussions parlementaires autour de ce texte financier crucial.
Dès le départ, le compromis semblait quasi impossible entre une droite sénatoriale attachée aux économies et aux baisses d'impôts et une Assemblée où la gauche réclamait plus de recettes et moins de coupes budgétaires.
Et le pari de Sébastien Lecornu de faire adopter le budget sans recours au 49.3 dans une chambre basse sans majorité était particulièrement ambitieux.
- La faute à qui ? -
C'est donc un échec pour le Premier ministre, même s'il a réussi à faire adopter mardi l'autre budget, celui de la Sécurité sociale, en obtenant un vote favorable des socialistes en échange d'une suspension de la réforme des retraites.
Pour l'exécutif et le PS, le coupable est tout désigné : les sénateurs LR, accusés d'intransigeance sur les recettes à trouver.
La patron du Parti socialiste Olivier Faure a accusé la droite sénatoriale de "faire le choix de bloquer le pays". Sébastien Lecornu a plus sobrement regretté "l'absence de volonté d'aboutir de certains parlementaires".
Avant l'ouverture de la réunion, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon avait invité députés et sénateurs à "ne pas confondre le budget 2026 avec la présidentielle 2027". Car derrière les désaccords budgétaires, une guerre des chefs s'exacerbe à mesure que les échéances électorales se rapprochent.
Une ministre accuse ainsi Bruno Retailleau, patron de LR, d'avoir attisé la radicalité des sénateurs de son parti, dans une guerre larvée avec le chef des députés LR Laurent Wauquiez.
Au Palais du Luxembourg, on renvoie la balle à Matignon.
Bruno Retailleau a accusé sur X le gouvernement d'avoir "créé les conditions pour qu'un accord sur le budget soit impossible". L'ancien ministre a fustigé un texte qui "aurait envoyé la France dans le mur de la dette" et appelé le gouvernement à recourir au 49.3 à la rentrée.
A l'Assemblée, la gauche, hors socialistes, a dénoncé un gouvernement qui se "défausse" sur les parlementaires, selon les mots d'Eric Coquerel (LFI), président de la commission des Finances.
Pour le groupe écologistes, l'échec est dû à "la désunion profonde du bloc gouvernemental, incapable de s'accorder sur des priorités claires et de construire une majorité parlementaire".
- "Sparadrap" -
Cap sur la loi spéciale donc, avant la reprise des discussions en janvier.
A moins que le gouvernement ne se dirige vers les ordonnances avant la fin de l'année, s'interroge Jean-Philippe Tanguy (RN) trouvant Sébastien Lecornu "très ambigu".
Son groupe, le Rassemblement national, continue d'appeler à un retour aux urnes, "seule solution" à la crise, dit-il.
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a rappelé vendredi matin le coût d'une loi spéciale. "L'an dernier, on avait estimé à 12 milliards le coût d'avoir six à huit semaines sans budget."
"C'est un sparadrap", cela permet de "faire tourner le pays", mais il faudra bien que le Parlement s'accorde en début d'année, a aussi répété dans la matinée Mme Bregeon.
Un député envisage avec sérénité la poursuite des discussions en janvier, escomptant qu'un accord puisse être plus facilement trouvé une fois les sénateurs sortis de l'équation, lors d'une nouvelle lecture et d'une lecture définitive à l'Assemblée. "Entre députés à l'Assemblée, je suis beaucoup plus optimiste qu'on y arrive rapidement", a dit cette source.
Outre l'urgence de disposer d'un budget, s'ajoutera la volonté du monde politique de tourner la page budgétaire avant les municipales de mars. Dans ce contexte, Éric Coquerel estime que les socialistes seront moins enclins à maintenir un rapport de force : il prédit "un 49.3 à bas coût".
cma-sl-ama-sac/sde/sla
Y.Keller--NZN