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Observateurs privilégiés de la fonte des glaciers, conséquence du réchauffement climatique, certains skieurs doivent jongler entre conscience écologique et dévouement à leur sport, qui génère de la pollution sous l'égide d'une fédération à l'engagement équivoque.
"Je fais profil bas parce que je suis muselé. Si je prends la parole à ce sujet, avec mon rythme de vie, l'opinion publique va me crucifier", souffle Victor Muffat-Jeandet.
"La protection de l'environnement c'est un sujet très délicat pour nous. On aimerait communiquer là-dessus parce qu'on fait partie des premiers témoins du réchauffement climatique. Mais du fait de notre activité, on a un comportement pas exemplaire", analyse pour l'AFP le skieur français, médaillé de bronze olympique du combiné en 2018, qui va manquer l'édition 2022 sur blessure.
La vie de skieur professionnel s'accompagne d'incessants trajets à travers les Alpes pour des dizaines de milliers de kilomètres par an en plus de quelques aller-retour en avion (Scandinavie, Amérique...) qui alourdissent le bilan carbone.
Il sont nombreux à évoquer une prise de conscience écologique mais restent bloqués par leur pratique et leur réussite sportive, prioritaire.
- "Prêt à assumer" -
"Être à la fois écolo et sportif de haut niveau n'est pas impossible, mais c'est bien plus difficile", témoigne le Suisse Daniel Yule, qui s'est engagé à payer plusieurs milliers de francs suisses chaque année pour équilibrer son bilan carbone auprès d'une startup qui capture et filtre le CO2 (Climeworks).
"Quand je suis à la maison c'est plus facile, je peux consommer des produits locaux, contrôler ma mobilité. Mais pour l'instant le sport reste ma priorité N.1. C'est une position que l'on peut juger hypocrite, j'en suis conscient, mais en tant que sportif d'élite on a le droit de pousser le dialogue dans le bon sens", estime le slalomeur aux quatre victoires en Coupe du monde.
"Je suis prêt à assumer, de parler sur ce sujet. Cacher ça sous le tapis ne va pas faire avancer l'affaire. Je reconnais volontiers que je suis loin d'être parfait, mais toute critique constructive apporte."
"Je pense que l'on peut utiliser des activités ou objets polluants lorsqu'ils sont nécessaires mais faire attention à ce dont on a pas besoin", indique pour sa part l'Italienne Federica Brignone, à l'origine du projet "Traiettorie liquide", qui alerte sur la pollution des océans.
"Là où j'habite (La Salle, Val d'Aoste) il est impossible de se déplacer sans voiture. Quand je suis en ville à Milan, par contre, je prends le vélo. Mais si je dois prendre l'avion je le prends", assume la lauréate du gros globe de cristal 2020.
"La Fédération internationale de ski (FIS, qui organise les compétitions) pourrait faire mieux, par exemple regrouper les filles et les garçons au même endroit plus souvent pour éviter des déplacements. Mais c'est aussi l'argent qui commande", estime Brignone, qui souligne toutefois des améliorations ces dernières années comme sur l'usage réduit du plastique en Coupe du monde.
- "Ma priorité" -
La FIS, qui aurait le pouvoir de rendre ses disciplines moins polluantes, adopte une attitude ambigüe.
D'un côté, malgré quelques efforts, certains calendriers comportent toujours de lourds enchaînements comme des passages en Scandinavie à différents moments de l'hiver, ou cette suite Autriche/Finlande/Amérique du nord en moins de deux semaines pour le circuit féminin de ski alpin en novembre dernier.
D'un autre côté, après les propos climatosceptiques de son ancien président Gian Franco Kasper (décédé en juillet), l'instance multiplie désormais les annonces "vertes" sous l'influence de son nouveau boss, le businessman suédois Johan Eliasch (ex-PDG du groupe Head).
La FIS s'est notamment engagée à devenir "carbone-positive" en finançant un projet de protection des forêts vierges en Amazonie: le calcul veut qu'en empêchant la déforestation, elle ferait plus que compenser ses émissions annuelles.
"Ca a été ma priorité", assure le président Eliasch, co-fondateur de l'ONG Cool Earth spécialisée dans le domaine. La FIS a inscrit en même temps dans ses statuts son besoin de conduire ses activités "d'une façon éco-responsable dans la mesure du possible."
Les systèmes de "compensation carbone" (comme celui de la FIS ou le replantage d'arbres) sont toutefois pointés du doigt par de nombreux experts pour la légèreté de leur fondement scientifique, de fréquentes surestimations et le peu de suivi de leur application, qui les résument à une pratique de "greenwashing".
A.P.Huber--NZN